mardi 12 octobre 2021

Fonctionnement d'une lampe, cas de la S1R Baton 2 de OLIGHT

Fonctionnement d'une lampe,

Cas de la S1R Baton II de OLIGHT

1.But

Le but de ce document est de comprendre le fonctionnement d'une lampe torche et les interactions entre les différents constituants, en prenant le cas particulier de la S1R Bâton 2 de OLIGHT.

Beaucoup d'entre vous se posent des questions sur la thermique, les accumulateurs, le mode "Turbo", etc... Et je vais essayer d'y apporter quelques réponses.

J'ai choisi le modèle de la S1RII car j'apprécie ce modèle, je dispose des modèles en aluminium, cuivre et titane ce qui va nous permettre de voir la différence en thermique.

Vous l'aurez donc compris, le reste de ce document va être plutôt technique, et s'orienter vers l'électronique et la thermique. Je ne suis pas assez compétent en optique et je n'ai pas de matériel approprié.

2.La partie électronique

L'électronique est mon domaine de prédilection, je vais donc essayer de ne pas m’emballer et de rester accessible à tous ceux qui voudront en savoir un peu plus.

A la base une lampe torche se compose des deux éléments principaux, un accumulateur et une LED, de ceux-ci va en découler une électronique.

On va passer outre le choix de ces éléments, car ça pourrait prendre beaucoup de temps, et considérer qu'au moment du design c'était le choix optimum.

On va donc faire un paragraphe sur la LED, l'accumulateur, les topologies de conversion d'énergie possibles, et sur l'électronique choisie pour la S1RII.

2.1.La LED

Le modèle choisi est la XM-L2 du fabricant CREE.


J'ai déjà rédigé un article sur cet élément, il est disponible ICI.

La conclusion que j'en avais tirée est la suivante:

On a donc vu que le courant qui traverse une LED de puissance crée un flux lumineux conséquent. Ce courant entraine aussi une différence de potentiel (ou tension) aux bornes de la LED qui dépend de divers paramètres comme la température, le lot de fabrication, etc… Cette tension et ce courant induise une puissance (Puissance=Tension x Courant). Cette puissance va provoquer une hausse de température qui va dépendre essentiellement du soin que le fabricant de lampe va apporter à l’assemblage pour assurer la résistance thermique entre la jonction de la LED et l’environnement extérieur la plus faible possible. Car plus la température de la jonction de la LED sera haute et plus le flux lumineux diminuera.

Pour la conception de la lampe torche, la caractéristique importante à retenir est celle du point de fonctionnement maximum. Pour le modèle que j'ai sous la main j'ai mesuré 3.45V de tension de LED pour un courant de 3A à une température du boiter de la lampe de 25°C.

2.2.L'accumulateur


C'est le modèle IMR16340 de référence 16C05-10C un accumulateur propriétaire d'Olight (on ne trouve pas d'équivalent dans d'autres marques). En effet sur les 16340 standards on ne retrouve pas les 2 pôles sur la même face (voir photo ci-dessus.)

C'est donc un accumulateur lithium ion d'une capacité de 550mAh. Ce qui veut dire grossièrement qu'une fois chargé on va pouvoir tirer un courant de 550mA pendant 1 heure avant d'être totalement déchargé.

C’est un accumulateur "high drain" (fort courant) et 10C fait référence au courant maximal de décharge, 10 x le courant nominal de décharge de 550mA, donc 5,5A max.

On pourrait faire un raccourci en disant que si l'accumulateur peut sortie 550mA pendant 1 heure, il peut sortir 5,5A pendant 6 min. Hé ben non, la chimie, la résistance interne et la thermique interne vont fortement limiter la chose. Le plus parlant est de tracer une courbe de réponse de l'accumulateur dont je dispose (qui n'est pas neuf).

A partir de cet accumulateur complètement chargé (d'une tension de 4.2V) et je vais tirer un courant de 3A (courant maximum admissible dans notre LED):

On voit très clairement sur cette courbe l'effet de la résistance interne de l’accumulateur. Dès que l'on applique le courant la tension chute de 520mV (12.4%)  ce qui donne une résistance interne d’environ 170mΩ (0.52V/3A).

On voit aussi qu'en un peu moins d'une minute et trente secondes la tension atteint 2.8V (je déconseille d'aller plus bas) à ce moment j’arrête de tirer 3A (le courant repasse à 0A).

Un 2e essai à un courant de 1.67A (correspond à 600lm pour notre LED)

La forme est différente, le temps est beaucoup plus long (base de temps x5) et j’ai arrêté le courant au bout de 443s arbitrairement.

Ce qui est impressionnant c'est que pour un courant 1.8x plus petit on tient 12x plus de temps pour arriver à la même tension. Cela est dû à la résistance interne et aussi à l’échauffement interne. En conclusion, la taille de l'accu et sa capacité en mAh sont loin de suffire pour anticiper le comportement d'un accumulateur, ce qui se passe en interne est difficilement prévisible à moins d’être spécifié par le fabricant.

Si des infos sur certains modèles particuliers de batterie vous intéressent je vous conseille ce SITE.

On peut y trouver des 16340 de 750mAh avec une résistance série quasiment 3x plus grande. Je ne vous parle pas de la durée effective du mode Turbo (sachant la sécurité de la S1RII l'arrête à 3V) et du risque de surchauffe (voir plus) de l'accumulateur.

C'est une des raisons qui justifie l'utilisation d'accumulateur propriétaire, même si je ne suis pas pour, d'un point de vue pratique. Un mauvais accumulateur peut donner une impression d'une lampe bas de gamme voir même blesser l'utilisateur. 

2.3.Choix de l'électronique

C’est l’élément le plus important après le choix de la LED et de l’accumulateur. C’est elle qui fait la liaison entre ces deux éléments et qui va faire la nature finale de la lampe. Cette électronique impacte sur :

  • l’autonomie, en effet si les pertes de cette dernières sont importantes, il en sera de même pour la consommation au niveau de l’accumulateur

  • La durée des modes ″haute puissance″, la S1RII est un très bon exemple et nous allons voir cet aspect juste après

  • La température finale, en effet les pertes de l’électronique s’ajoutent à la puissance envoyée dans la LED pour se transformer en chaleur

2.3.1.Cahier des charges

Nous allons partir de la courbe de l'accumulateur et de la tension de la LED mesurée pour le mode Turbo (pire cas).


La ligne horizontale rouge représente la tension de la LED en mode turbo. On se rend compte que pendant 25s (30 à 40s pour une batterie neuve) la tension de l'accumulateur se trouve supérieure à la tension de la LED et le reste du temps (70%) inférieure. De plus même si au bout d'1'30 on arrive en fin de mode turbo, on voit que la tension de sortie remonte haut (>3.8V) et donc que l'accumulateur est loin d'être vide.

Pour tous les autres modes d’éclairage la tension sera plus faible :

  • 1000lm 3A 3.45V

  • 600lm 1.65A 3.22V

  • 300lm 0.75A 3V

  • 60lm 0.184A 2.74V

  • 12lm 0.026A 2.6V

On a besoin de choisir une électronique de conversion d’énergie entre l’accumulateur et la LED avant de faite ce choix on va faire un point sur les différentes topologies qui existent.

2.3.2.Topologies de conversion d'énergie

Le sujet étant vaste et complexe pour ceux qui désirent de plus amples informations vous les trouverez ICI.

Pour résumer voici une courte synthèse :

2.3.2.a.Le régulateur linéaire

En électronique ″conventionnelle″ le seul montage qui permet de faire une adaptation de tension est le régulateur linéaire dont un des schémas basiques est le suivant : 

Ce montage ne peut que diminuer la tension (donc abaisseur). Le seul composant de puissance est le transistor (En haut, au milieu).

Pour faire simple, le transistor va absorber la différence de tension, entre la tension d'entrée (Uin) et la tension de sortie (Uout). Cette différence de tension multipliée par le courant que demande la sortie va donner la puissance perdue dans le transistor.
 
On a donc la puissance fournie par la source qui est égale à la puissance que consomme la sortie + la puissance perdue dans le transistor. D'un point de vue conversion d'énergie, le rendement sera le rapport de la puissance en sortie sur la puissance d'entrée.
 
Il est donc facile de comprendre que plus il y a de différence entre la tension d'entrée et de sortie, plus il y a de pertes et moins le rendement est bon.

Pour améliorer ce rendement il existe les topologies à découpage (vois paragraphes suivants) qui peuvent permettent, en plus, de fournir une tension de sortie supérieure à la tension d’entrée. Leur seul point faible est la fiabilité car elles utilisent beaucoup de composant (surtout pour le contrôle) et des transistors de découpage. Ce n’est que relatif les MTBF(temps moyen entre 2 pannes) reste de l’ordre de plusieurs millions d’heure si c'est bien fait.

2.3.2.b.Le BUCK (ou montage abaisseur)

Ce montage permet d’avoir une tension de sortie plus faible que la tension d’entrée (comme le régulateur linéaire), mais avec un rendement bien plus élevé. Le schéma de la partie puissance est le suivant : 


2.3.2.c.Le BOOST (ou montage élévateur)

Ce montage donne une tension de sortie plus forte que la tension d’entrée, avec un rendement élevé. Le schéma de la partie puissance est le suivant :


2.3.2.d.Le BUCK-BOOST (ou montage abaisseur-élévateur)

Comme son nom l’indique il permet d’abaisser ou d’élever la tension d’entrée, ce n’est ni plus ni moins qu’un BUCK suivit d’un BOOST. Son inconvénient majeur est qu’il a beaucoup de composants donc un rendement plus faible qu’un BUCK ou qu’un BOOST, et son schéma est le suivant.

2.3.3.Choix de la topologie

Donc si on analyse les données, on voit que la solution ″élévateur″ n'est pas viable car si l'accumulateur est chargé on ″détruit″ la LED (trop de tension → trop de courant → destruction).

Si on choisit une topologie "abaisseur",  le mode turbo va être plutôt court alors que l’accumulateur est loin d’être déchargé, mais elle convient parfaitement et l’autonomie sera très importante.

Si on veut un mode turbo plus long, il faut s'orienter vers une solution ″abaisseur/ élévateur″, mais sachant que la place disponible pour l'électronique est faible il va certainement falloir faire des compromis. 

Voici une photo de l'électronique de la S1RII, pour la taille on voit sur la photo de gauche qu'elle est identique à une pièce de 1 centime. Le schéma que j'ai établi est le suivant je pense être proche de la réalité, mais faire du reverse-engineering n’est pas évident:
Schéma extrêmement simple (au vu des fonctions implémentées) mais efficace:

  • Le couple L1, IC1, R1 et R2 forment un Boost. IC1 intègre le contrôle et les éléments de découpage.

  • Q1 est un MOSFET piloté en régulateur linéaire.

  • IC4 qui est un amplificateur de précision, qui régule le courant dans la LED. Il mesure le courant dans celle-ci au travers du SHUNT et s'arrange pour qu’il soit l'image de la consigne envoyée par le microcontrôleur. Pour cela il pilote Q1, puis quand celui-ci arrive en butée il pilote le Boost.

  • IC2 est le microcontrôleur qui coordonne tout, et est alimenté par le régulateur IC3.

 Olight s'est donc orienté vers un Buck-Boost non conventionnel, un Boost suivit d'un régulateur linéaire. Les composants utilisés sont des composants de fabricants très réputés (Texas Instrument, Microchip) voir même haut de gamme (IC4). Il ne reste plus qu'à mesurer les performances.

2.3.4.Performance de l'électronique

Comme dans la plupart des domaines la mesure d'indice de performance se fait par une mesure de rendement. Dans notre cas particulier le rendement est donc la puissance envoyée dans la LED divisée par la puissance extraite de la batterie.

Sur fond rouge la zone que l'accumulateur ne permet pas d'atteindre.


Les chiffres rouges en gras représentent le fonctionnement du Boost (avec un rendement plus que correct).

La zone sur fond bleu est la zone nominale, dans laquelle on a le plus de chance d'être avec une utilisation mixte (un peu de chaque puissance) et que l'on va utiliser la totalité de la batterie.

Le rendement à 12lm peut paraitre faible mais les 52% à 4.2V correspondent à 65mW de pertes sachant que la consommation du microcontrôleur et de la LED d’état de la batterie font partie ces pertes.

C’est pourquoi je préfère regarder aussi les pertes dans l'électronique, je trouve ça complémentaire.


Je trouve ça plutôt pas mal, on a des pertes un peu fortes quand l'accumulateur est bien chargé et que l’on n’est pas en Boost, mais c'est le prix à payer pour un mode turbo plus long, un manque de place, et une fiabilité accrue. Ça semble être un bon choix pour toucher le plus d'utilisateurs possible.

3.Thermique

Je voulais faire un petit point sur le côté thermique, car je pense que cela peut intéresser du monde.

Par contre, on va voir ça au premier ordre cela suffit pour se faire une idée, pas besoin de simulation par élément fini. 😁

On peut considérer que les pertes dans l'électronique et la puissance injectée dans la LED vont se transformer en chaleur. Pour avoir une vague idée de ce que ça représente on va faire des approximations puis comparer à des mesures.

Si on injecte une énergie dans un matériau et que l'on considère qu'il n'en transmet pas à son environnement (ce qui est faux bien évidemment) on peut faire un calcul simple à partir de la capacité calorifique de ce matériau, de son poids et de l'énergie injectée.

Pour ne pas faire une erreur trop importante, il faut prendre un temps plutôt court avec une énergie forte. On va donc faire un essai avec le mode turbo pendant 45 secondes. J'ai mesuré en moyenne 11W fournis par la batterie dans ce cas. Cela donne le tableau suivant:

ΔT représente donc l'élévation de température du matériau si on lui injecte une énergie correspondant à 11W pendant 45 secondes. Le poids est celui mesuré de la mécanique des 3 lampes en ma possession. Il faut juste faire attention au fait que les lampes sont réalisées à base d'alliage alors que les données dans le tableau sont pour des matériaux purs.

On voit donc que le cuivre est le matériau qui va avoir une élévation de température la plus faible, puis viens l’aluminium et ensuite le titane qui est relativement proche de l'aluminium.

Comme on a négligé l’échange du matériau avec son environnement, la mesure sera obligatoirement plus faible.

 Avant de faire un essai réel on va regarder une autre caractéristique importante de ces matériaux, c'est la conductivité thermique. Plus elle est forte, plus la chaleur "voyage" et se réparti bien dans le matériau.

On voit ici que le cuivre arrive toujours en tête, puis l'aluminium et le titane est loin derrière.

 Dans l'essai suivant les lampes sont recouvert un scotch avec une émissivité connue pour faire des mesures les plus justes possible. L'essai est réalisé dans une pièce climatisée à 18°C chaque échantillon est allumé en mode turbo et on fait un relevé toutes les 15 secondes.

On voit donc que la température dans:

  • le cuivre reste homogène et présente une élévation de 13°C

  • l'aluminium est un petit peu moins homogène et présente une élévation de 21°C

  • le titane n'est pas homogène du tout et son point chaud au niveau du boitier voit une élévation de 34°C

On voit aussi que le scotch de l'aluminium n'est pas bien collé sur le corps de la S1RII en aluminium on aperçoit donc une sorte de triangle sur le bas de la lampe. (J’ai eu la flemme de refaire la manip😓)

On voit aussi, qu'avec des calculs simples au 1er ordre, on n’était pas si loin que ça pour le cuivre et l'aluminium, pour le titane sa faible conductivité thermique a un impact trop important.

4.Assemblage

Pour que la LED chauffe le moins possible il faut que l'assemblage entre la LED et le boitier soit le plus efficace possible d'un point de vu thermique. Tout se passe dans la "tête" de la S1R2.


Pour y parvenir La LED est monté sur un SMI, qui est reporté sur le boîtier à l'aide d'une bonne dose de graisse thermique, on voit encore les traces de cette graisse sur la photo ci-dessous (résidus gris).
Détail d’un SMI
Un SMI (en français) veut dire Substrat Métallique Isolé, c'est une plaque de métal sur laquelle est fixé un isolant électrique(très mince et plutôt bon conducteur thermique) sur lequel est fixé une feuille de cuivre qui se grave comme un circuit imprimé classique.

Le plus souvent dans l’industrie la plaque de métal est en aluminium mais quand on veut des performances thermiques maximale on la choisi en cuivre ce qui est le cas dans notre S1RII.

 
Si vous avez lu l'article sur la LED, vous avez du noter que l'échange thermique se fait par une surface de 2.8mm x 4.8mm. Ce SMI permet de faire la liaison électrique (circuit imprimé) et thermique, il augmente la surface d'échange tout en minimisant l'élévation thermique entre celle-ci et celle de la LED.

Pour éviter que l’électronique ne chauffe trop, les composants L1, IC1 et Q1 sont reportés thermiquement au boîtier à l’aide d’un "Gappad". Sa texture ressemble à de la Patafix et sa conduction thermique est bonne. Ça suffit amplement pour maintenir ces composants à une température acceptable.

Olight a donc aussi soigné l’assemblage pour obtenir les meilleurs résultats possible.

5.Conclusion

Avec sa S1R bâton II, Olight a fait le choix de plaire au plus grand nombre avec un mode Turbo plutôt long, une bonne autonomie, une électronique fiable dans un faible encombrement, tout en faisant avec les contraintes régies par les lois de la physique et celles économiques.

Pour les différent matériaux proposés, on a vu l'impact sur la thermique, l'aluminium est bon, le cuivre va offrir un gain non négligeable et le titane n'est pas fait pour ça, mais ce n'est pas pour ce critère qu'on le choisi😉. 

Pour faire de gros raccourcis le cuivre sera plus lourd mais éclairera plus fort en mode Turbo (plus la LED est chaude en interne moins elle éclaire). On devrait pouvoir l'observer entre le cuivre et le titane mais il faudrait pouvoir faire l'essai avec la même batterie, la même LED et la même électronique.

On a aussi vu, que ce qui limite la durée du turbo est l’accumulateur pour ce modèle, mais pour d'autre plus puissant ce sera surement la thermique. En effet, pour l'homme, la sensation de brulure est à partir de 55°C et hormis les modèles gros et haut de gamme où une sécurité thermique efficace est envisageable, limiter le temps en mode turbo est le seul moyen de protéger l'utilisateur.

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